L’intégration de l’IA en FP

Depuis l’automne 2022, on entend de plus en plus parler des outils à base d’intelligence artificielle. C’est une nouvelle réalité à laquelle nous devons nous adapter en éducation. Qu’en est-il de la formation professionnelle? Comment l’intelligence artificielle peut-elle être utilisée dans cet ordre d’enseignement? D’une part, les enseignants devront apprendre à enseigner à l’ère de l’intelligence artificielle. D’autre part, les apprenants devront apprendre à interagir avec l’intelligence artificielle en contexte professionnel. 

Du côté de l’enseignant 

De plus en plus, l’intelligence artificielle pourra être utilisée comme outil d’aide à l’enseignement. On peut d’abord penser à des outils de suivi des élèves tel que proposé par l’entreprise Optania. Cette entreprise a développé un outil permettant d’analyser la courbe de progression des apprentissages d’un groupe classe. Optania propose également un robot conversationnel interagissant avec des étudiants afin de les référer vers les ressources d’aide adéquates. À ce niveau, l’intelligence artificielle appuie l’enseignant et les intervenants dans l’analyse des données et le suivi des élèves. Elle ne remplace pas l’intervention humaine. 

Il est maintenant aussi possible de créer des tests autocorrectifs fournissant une rétroaction immédiate aux apprenants. Ce type d’outils utilise une intelligence artificielle se basant sur des arbres décisionnels. Ceci permet aux apprenants de recevoir une rétroaction partielle, rapide et aux enseignants de dégager du temps pour faire de la rétroaction plus complète auprès des élèves en ayant besoin. Avec un outil tel que Storyline d’Articulate 360, il est possible de créer des cours interactifs d’apprentissage en ligne, associés ou non à de la réalité augmentée. Il s’agit en fait de parcours d’apprentissage autonome pour les élèves. Toujours à base d’arbres décisionnels, cette intelligence artificielle permet de mettre les apprenants en situation réelle d’apprentissage et de recevoir de la rétroaction en continu. Cela libère du temps pour l’enseignant qui peut davantage apporter de l’aide aux élèves ayant plus de difficulté. 

En France, le projet Silva numerica a permis le développement d’un cours en mode simulation basée sur une intelligence artificielle. Ce cours s’adresse aux étudiants du domaine de la foresterie. Les élèves parcourent différents scénarios de simulation pour développer leur compétence en matière de gestion de la forêt. Ce projet a mis en lumière l’importance d’une bonne programmation et d’une bonne collaboration avec les enseignants. Les élèves peuvent réussir un scénario en utilisant un mauvais raisonnement. L’intelligence artificielle se basant sur les résultats ne détectera pas ce problème. Les enseignants doivent donc être présents et à l’affût. Ils doivent échanger avec les élèves et faire de la rétroaction régulièrement pour que le cours soit adéquat. 

Du côté de l’enseignant, on peut dire que l’intelligence artificielle permet principalement de dégager du temps pour permettre un suivi plus personnalisé auprès des apprenants. Elle ne se substitue pas à l’enseignant; elle vient plutôt en complément. Tout l’aspect relationnel demeure le terrain de l’enseignant. D’un point de vue éthique, il est essentiel que l’enseignement demeure la ressource décisionnelle en matière de sanction, car il connaît mieux la situation de chaque élève et le résultat final ne devrait jamais reposer que sur une analyse statistique. 

Du côté de l’apprenant 

Les élèves de la formation professionnelle sont de futurs travailleurs. Plusieurs métiers sont appelés à changer avec l’arrivée de l’intelligence artificielle. Pour ne pas assister à une déqualification progressive de ces futurs travailleurs, il est important d’initier les apprenants à l’utilisation de l’intelligence artificielle. Pour ce faire, ils doivent en comprendre la définition, la dynamique ou le fonctionnement et les applications spécifiques à leur métier.  

Dans de nombreux pays, les bases de la programmation et des algorithmes font désormais partie du cursus scolaire. À Singapour, dès la maternelle, les enfants sont mis en contact avec des robots humanoïdes pour leur initiation à ces concepts. Au Royaume-Uni, les adolescents sont appelés à réfléchir au déploiement d’intelligences artificielles dotées d’une conscience sociale à travers des compétitions de type hackathon (marathon de programmation). En Estonie, une introduction à la programmation et à la robotique est prévue à plusieurs paliers d’enseignement, dont la formation professionnelle. 

Certains métiers utilisent déjà l’intelligence artificielle. On n’a qu’à penser à la mécanique automobile. En effet, de nos jours, les mécaniciens utilisent des mallettes diagnostiques pour détecter les défectuosités au niveau des voitures inspectées. Ces mallettes renferment une intelligence artificielle qui utilise les données perçues par les différents capteurs des véhicules pour arriver à un diagnostic. On estime que 90% des mécaniciens utilisent cette technologie qui réussit à identifier les problèmes à environ 70% du temps. Évidemment, comme l’efficacité n’est pas de 100%, l’expertise des mécaniciens est encore de mise. Cet exemple illustre bien le fait que l’intelligence artificielle vient effectuer un travail en complément à celui des humains. On a quand même besoin d’un mécanicien pour interpréter les résultats des tests diagnostiques et pour résoudre les problèmes plus complexes. 

En cuisine, des tests ont été faits pour intégrer l’intelligence artificielle, notamment en fromagerie. En France, la fabrication de meules de fromage de Comté est bien documentée. Il est donc possible de programmer une intelligence artificielle pour standardiser le processus. On a pourtant remarqué que, malgré cette standardisation, certains fromages sont meilleurs que d’autres. Pourquoi? Le savoir-faire des fromagers étant mal compris des informaticiens, des capteurs sont manquants pour fournir toute l’information nécessaire à l’intelligence artificielle pour optimiser la procédure. Cet exemple illustre bien le concept selon lequel une compréhension bilatérale sera nécessaire pour concevoir des intelligences artificielles efficientes dans les métiers. D’une part, le fromager doit comprendre les bases de la programmation et des algorithmes pour fournir toutes les informations nécessaires à l’informaticien. D’autre part, l’informaticien doit comprendre le rôle et la pertinence des gestes du fromager pour bien cibler les capteurs nécessaires à l’implémentation de l’intelligence artificielle. 

Du côté de l’apprenant, le plus important est de s’assurer que le futur travailleur pourra travailler en complémentarité avec l’intelligence artificielle. Il devra en comprendre le fonctionnement et la logique; l’intelligence artificielle ne se substituera pas à son expertise, mais l’aidera à gagner du temps pour des tâches plus complexes ou demandant des interactions significatives avec le vivant. Il faut aller au-delà de l’utilisation à des fins pédagogiques; il faut rendre les apprenants compétents dans l’utilisation de l’intelligence artificielle dans leurs milieux de travail. 

Conclusion 

Quoi que l’on en pense, l’intelligence artificielle est là pour de bon et est appelée à se développer dans maintes sphères de la vie. Dès maintenant, il faut revoir nos pratiques et s’adapter à cette nouvelle réalité afin de former des travailleurs qui demeureront compétents dans l’avenir. La programmation et la robotique deviennent des incontournables pour l’ensemble de la population et devraient être intégrées dans le cursus scolaire. L’apprentissage par l’utilisation de l’intelligence artificielle et de l’utilisation adéquate de l’intelligence artificielle deviendra de plus en plus nécessaire, mais devra se faire de manière éthique et en adéquation avec le SDG41 de l’UNESCO pour que tous y trouvent leur compte. 

  

Références 

HERFT, Andrew. « Guide de l’enseignant – L’usage de ChatGPT – «ce qui marche le mieux » », Innovation pédagogique. [https://www.innovation-pedagogique.fr/article13780.html] (22 mars 2023). 

 ROMERO Margarida, HEISER Laurent, LEPAGE Alexandre (DIR.). Canopé. Livre blanc, « Enseigner et apprendre à l’ère de l’intelligence artificielle. », Hypothèses. [https://edunumrech.hypotheses.org/8664]. hal-04013223v2. (22 mars 2023) 

MIAO, F. ET AL. AI and education: guidance for policy-makers. UNESCO. 2021. 

UNESCO. Recommandation sur l’éthique de l’intelligence artificielle. 2021. 

Cet article a été écrit par:
Nancy Berger