La relation enseignant-élève

Qu’en est-il de la place de la dimension socioaffective dans la relation enseignant-élèves en formation professionnelle ?

Introduction

Nous savons depuis longtemps que la dimension affective qu’entretient un enseignant avec l’élève est bénéfique pour la réussite scolaire. Déjà au XVIe et XVIIe siècle, Érasme et Coménius « avaient vanté les vertus de l’amour ou de l’affection du maître » (Virat, 2020). Plusieurs recherches touchent particulièrement les élèves du niveau primaire et secondaire, mais peu en formation professionnelle (FP). Cet article se veut un résumé des recherches qui peuvent avoir un lien avec notre secteur, de la pertinence d’établir une telle relation en FP et de bonnes pratiques pour établir ce lien.

La dimension socioaffective

De nombreuses recherches en psychologie de l’éducation montrent que la dimension affective enseignant-élève est « … bénéfique tant à l’école (réussite, persévérance, comportement, etc.) qu’en dehors (baisse de dépression, anxiété, délinquance, etc.) ».

Plusieurs autres chercheurs ont proposé des méthodes éducatives pour des élèves qui étaient marginalisés (Pestalozzi au XVIIIe siècle et Bosco, Korczak et Neill au XIXe siècle). Il faut retenir que pour eux, « L’affection est une condition nécessaire pour aider les jeunes socialement marginalisés à quitter le chemin de la déviance et de la violence ». Les études ont démontré que l’affection aidait aussi les autres élèves, mais dans une proportion moindre. Roger quant à lui affirmait en 1969 que la dimension affective dans la relation enseignant-élèves était reconnue pour ses effets bénéfiques, comme la motivation et la réussite scolaire.

La relation enseignant-élèves

La recherche démontre que d’avoir une bonne relation avec les élèves permettait d’augmenter les résultats scolaires particulièrement en mathématique, lecture, écriture et en sciences. Cette relation est plus importante avec certains élèves, comme mentionné ci-haut. Korczak en 1979 a affirmé que « les enfants délinquants, eux, ont besoin d’amour » (Virat, 2016). La qualité de la relation atténue les symptômes anxieux et dépressifs chez les élèves du secondaire. Kidd et collab. en 2006 a observé une réduction du nombre de tentatives de suicide chez les adolescents ayant une relation chaleureuse avec l’enseignant. Nous pouvons donc constater que les effets de la relation sont bien documentés ; elle est associée à de moindres problèmes de comportement. Nous avons également noté que la relation enseignant-élèves est fortement associée à la réussite scolaire (Fortin, 2011). Les enseignants sont significatifs dans la réussite scolaire des élèves. On note aussi que la relation enseignant-élèves diminue le risque de décrochage chez les élèves à risque.

La motivation scolaire

La motivation peut être intrinsèque (motivation que l’élève développe par lui-même) et extrinsèque (motivation induite par des facteurs externes). L’élève peut alors se motiver à faire une activité par pure satisfaction personnelle (intrinsèque). Il peut également recevoir cette motivation pour avoir une récompense, par pression sociale ou pour obtenir de l’approbation d’un tiers (extrinsèque). En milieu scolaire, Viau (1994) la définit comme suit :

« La motivation en contexte scolaire est un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un élève a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but. » (p. 7) (2).

À ce titre, « la motivation de l’élève est fonction de la compréhension qu’il a de lui-même et de son environnement » (Potvin et Lacroix, 2009). Selon Viau (1994), le fait de donner de la valeur à l’activité (croire en l’utilité de l’activité), une perception de contrôlabilité (aimer et avoir le contrôle sur l’activité) et la perception de sa compétence (croire qu’il est capable) permet d’avoir un engagement cognitif et de persévérance de la part de l’élève. Au début, ils sont confiants, déterminés à suivre leur formation. Mais à mesure que le temps avance, cette confiance et cette motivation s’estompent. On leur demande des tâches de plus en plus complexes. Les travaux faits par les élèves sont souvent jugés par l’enseignant, les pairs, voire les parents. La motivation intrinsèque n’est alors pas suffisante. Les commentaires de la part de l’enseignant prennent alors une place importante dans la motivation extrinsèque de l’élève. Ainsi, la perception du « Caring »de l’enseignant serait un prédicateur de la motivation chez les élèves. C’est également un moyen d’établir un lien enseignant-élève.

Caractéristiques des élèves en FP

Peu d’études ont été faites dans le milieu scolaire, mais beaucoup en lien avec les caractéristiques des élèves, du milieu familial et du milieu socio-économique. Afin de connaitre nos élèves en FP sur leurs caractéristiques, leurs défis et leurs besoins, il faut les questionner. À cet égard, l’observatoire de la FP les a sondés en 2021. Un portrait a donc été dressé et a démontré que :

  • 68,0% ont moins de 25 ans ;
  • 44,0% travaillent plus de 15 heures par semaine ;
  • 21,3% sont capable de répondre à leur besoin ;
  • 33,6% ont un diagnostic de troubles d’apprentissages (29% ayant un TDAH) ;
  • 20,3% ont un trouble de santé mentale.

Les élèves vivent également des défis en classe en lien avec leur organisation. Toujours selon l’Observatoire de la FP, les élèves ont comme défis de:

  • rester concentrés pendant les cours (45,4%) ;
  • réussir leurs compétences (39,9%);
  • développer des techniques de travail efficaces et rapides (37,8%) ;
  • gérer son temps de façon efficace (37,2%) ;
  • arriver à tout comprendre (36,9%) ;
  • rester motivé (35,3%) ;
  • terminer leur programme (35,6%).

Nous constatons que nos élèves, à forte majorité jeune, ont beaucoup de défis, comme celui de rester concentré. Plus du tiers des élèves éprouvent des difficultés. L’élève est peut-être en surcharge cognitive avant même d’être dans nos classes. L’enseignant, en ayant un lien fort, est en mesure d’atténuer les facteurs pouvant affecter les élèves.

La charge cognitive

Pour Karine Martin, orthopédagogue à l’équipe Choc SEC, « la charge cognitive est indissociable de l’apprentissage. Chaque apprentissage possède une charge, cependant, la complexité ou la présentation d’une tâche de même que les ressources de l’élève peuvent placer ce dernier en situation de surcharge cognitive ». La complexité des tâches d’une compétence doit être progressive tout au long de celle-ci. Il faut également que l’élève soit disponible aux apprentissages. Si l’élève est en surcharge cognitive, l’apprentissage sera compromis. Établir une relation avec l’élève, se renseigner sur ses activités en dehors de l’école viendra enlever une partie de cette surcharge, puisqu’il pensera à ses apprentissages au lieu des problématiques (le superflu) qu’il vit. Tout ce qui n’est pas nécessaire doit être enlevé de la pensée de l’élève. L’élève sera alors engagé dans sa réussite scolaire, il aura également une attitude positive envers vous et l’école, sa motivation sera accrue. Il aura aussi de meilleurs résultats. Vous aurez une diminution du décrochage scolaire. Ces éléments sont influencés par la relation enseignant-élèves que vous aurez.

Les facteurs clés favorisant la réussite scolaire

En 2006, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport a fait une étude sur les facteurs clés favorisant la réussite scolaire. Nous ne nous attarderons pas sur les facteurs en lien comme jeune adulte ou de la famille, puisque cela est bien documenté dans la recherche. Cependant, en classe, nous pouvons constater que la perception et l’attitude des intervenants ainsi que le climat de la classe sont des facteurs de cette réussite. Nous observons que l’apprentissage en contexte, communément appelé apprentissage en situation authentique, est également un des facteurs clés. Enfin, les deux principaux leviers de cette réussite sont la qualité de l’enseignement (méthodes et approches) ainsi que la qualité des évaluations.

Tout ne repose pas sur les enseignants. En effet, le centre de formation doit aussi mettre en place des éléments plus formels quant aux facteurs clés de la réussite. Il doit avoir un mode d’organisation souple et personnalisé, effectuer le suivi, avoir des ressources scolaires (nous pensons ici aux professionnelles pouvant aider les élèves). L’étude propose également d’avoir un réseau d’entraide pour les élèves et les parents (moins indiqué en FP). Des activités parascolaires peuvent être mises en place. À notre avis, un comité étudiant en partenariat avec les enseignants et la direction serait gage de succès sur la réussite scolaire.

Enfin, plusieurs aspects sont à considérer pour mettre en place des environnements éducatifs adaptés. Bourdon et Roy (2004) en ont ressorti 12 :

  • Prendre appui sur les acquis des jeunes ;
  • Susciter une participation active et volontaire ;
  • Offrir des formations aux finalités variées ;
  • Varier et assouplir les parcours de formation ;
  • Ajuster les stratégies d’enseignement ;
  • Miser sur un accompagnement individualisé et soutenu ;
  • Développer une équipe d’intervention solide et stable ;
  • Créer un milieu de vie engageant pour les jeunes ;
  • Assurer le soutien logistique ;
  • Tenir compte de la famille et des réseaux ;
  • Des apprentissages significatifs pour les jeunes et reconnus par la communauté ;
  • Des collaborations fondées sur les besoins des jeunes.

Nous pensons qu’en 2023, ces aspects sont encore d’actualité et devraient être mis en place afin que les élèves soient motivés à venir à l’école.

Trucs et astuces

Nous vous proposons ici quelques trucs et astuces afin d’établir un lien socioaffectif dans la relation enseignant-élèves.

  • Lorsque les élèves arrivent en classe, mettez de la musique, des images ou des vidéos qui leur permettent de penser à autre chose que leur routine quotidienne ;
  • Intéressez-vous à eux ; posez-leur des questions sur leurs loisirs. Soyez à l’écoute des problématiques qu’ils peuvent avoir et accompagnez-les au besoin vers le service professionnel ;
  • En formation à distance, en mode asynchrone, prenez le temps d’échanger avec eux. Mettez en place des espaces de discussion, comme un parloir ;
  • Adapter les situations d’enseignement-apprentissage. Vous pouvez varier vos stratégies d’enseignement, fournir une liste aux élèves sur les tâches qu’ils doivent utiliser ou fournir des notes de cours comprenant les éléments les plus importants. Cela réduit la charge cognitive pour comprendre en temps réel l’information fournie par l’enseignant ;
  • N’hésitez pas à mettre de la musique lors d’exercices pratiques en lien avec les mesures d’adaptation environnementales. Bien entendu, il ne faut pas que cela soit contraire aux règles de santé et sécurité. Cette méthode permet aux élèves de se concentrer sur leurs tâches et non pas sur les nombreux bruits environnants ;
  • Mettez en place des mesures d’adaptation structurelles pouvant être données aux élèves ayant un trouble d’apprentissage. Cela peut être d’autoriser le gribouillage pour réduire la charge mentale ;
  • N’hésitez pas à vous impliquer dans le comité étudiant, mettez de la vie dans votre école. Faites des activités mensuelles avec les élèves.
  • Impliquer les élèves dans votre classe au niveau social.

Conclusion

Les nombreuses recherches démontrent que d’établir un lien avec les élèves permet d’augmenter leur réussite scolaire. Plus le lien est fort et plus l’élève s’engage dans sa réussite scolaire. Nous avons vu que la perception du « Caring » auprès de l’élève est une source de motivation. Nous avons également vu qu’il y a une différence entre la motivation intrinsèque et extrinsèque et que cette dernière incombe le plus à l’enseignant étant dans la classe.

Nous avons également remarqué que la plupart de nos élèves qui ont moins de 25 ans ont des défis. Un des défis est de rester concentré. À notre expérience, les élèves arrivent dans nos cours avec des problématiques, mais aussi des forces. Des outils existent pour libérer la charge mentale que les élèves pourraient avoir. Nous vous dirions qu’une partie réside dans l’amorce des cours et de l’interaction que vous avez avec vos élèves. Voyez également les trucs et astuces. Enfin, nous vous invitons à communiquer avec les conseillers technopédagogiques pour en savoir davantage sur les outils informatiques à mettre en place et à l’équipe choc SEC (https://sites.google.com/cssmi.qc.ca/ecp-sec-fgafp/accueil) de la FGA/FP sur l’inclusion des élèves et sur la motivation scolaire.

 

Sources :

Bourdons S. et Roy S. (2004) Le plaisir d’apprendre, j’embarque quand ça me ressemble. Québec, ministère de l’Éducation. Article consulté le 9 mars 2023 à l’adresse http://www.education.gouv.qc.ca/organismes-communautaires/organismes-communautaires/retour-en-formation-des-16-24-ans/facteurs-cles-de-succes/

Irrmann C (2023). Histoire de la formation professionnelle au Québec. Article consulté le 9 mars 2023 à l’adresse https://eduperformance.com/histoire-de-la-formation-professionnelle-au-quebec/

Fortin, L et coll. (2011). Recension des écrits sur la relation enseignant-élève : Chaire de recherche de la Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke sur la réussite et la persévérance scolaire.

Matheson I et Hutchinson N (s.d.) Mémoire de travail et charge cognitive : Ta@l’école. Article consulté le 9 mars 2023 à l’adresse https://www.taalecole.ca/memoire-de-travail-et-charge-cognitive/

Observatoire de la formation professionnelle (2021). Portrait des élèves en formation professionnelle. Sherbrooke.

Potvin P et Lacroix M.È. (2009). La motivation scolaire : Réseau d’information pour la réussite éducative. Document repéré à l’adresse https://rire.ctreq.qc.ca/la-motivation-scolaire/

Théoret M, Carpentier Anylène, É, et Tremblay H. (2006) : Recension des facteurs et des interventions qui favorisent la réussite scolaire et éducative des jeunes adultes de 16 à 24 ans. Programme d’aide pour favoriser le retour en formation des 16 à 24 ans, Québec, ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.

Viau, R. (1998). Les perceptions de l’élève : sources de sa motivation dans les cours de français. Québec français, (110), 45–47. https://www.erudit.org/en/journals/qf/1998-n110-qf1203783/56310ac.pdf

Virat M. (2016). Dimension affective de la relation enseignant-élève avec les adolescents : Revue des études longitudinales et perspective de l’attachement. Revue de psychoéducation, 45 (2), 405–430. https://doi.org/10.7202/1039055ar

Cet article a été écrit par:
Jean-François Meunier