Dans ce texte, notre collaborateur Éric Thibault présente comment la réalité virtuelle peut transformer la formation professionnelle. Il présente plus particulièrement de quelle façon les lunettes HoloLens™ de Microsoft sont intégrées à l’enseignement au Centre intégré de formation et d’innovation technologique (CIFIT) de Victoriaville.
Imaginez-vous être un apprenant. Vous avez une tâche complexe à réaliser, qui demande de suivre une procédure de travail tout aussi compliquée. Votre enseignant dépose sur votre tête un casque muni de lunettes qui vous permettent de continuer de voir le monde réel. Surprise! Les instructions de travail apparaissent. Une vidéo de démonstration débute, vous n’en avez pas besoin sur le coup, vous la manipulez et la placez hors de votre champ de vision. Des flèches apparaissent dans votre vision pour vous indiquer sur quelle composante vous devez travailler.
Après chaque manipulation, vous interagissez avec l’interface pour indiquer que l’opération est dûment complétée. Malheureusement, une pièce est plus difficile à démonter. Vous êtes bloqué. À l’aide de l’interface, vous effectuez un appel vidéoconférence. Étonnamment, c’est un autre étudiant qui vous répond. Il vous indique avec des flèches les étapes de démontage et vous envoie un fichier vidéo de démonstration et un guide PDF fourni par le manufacturier de la pièce, que vous pouvez consulter en temps réel avec votre interlocuteur. Vous terminez votre tâche rapidement, sans avoir quitté votre lieu de travail, sans avoir le sentiment d’avoir demandé de l’aide, mais bien avec le sentiment d’efficacité et d’avoir collaboré.
Cette situation n’est pas de la science-fiction. C’est la réalité de bien des entreprises. Des entreprises comme Hewlett-Packard et Mercedes-Benz utilisent déjà cette technologie pour l’assistance à distance (voir les vidéos à la fin de cet article). Bien que le coût semble élevé de prime abord, ces lunettes deviennent rapidement rentables dès que l’on commence à voir les gains de temps qu’une entreprise peut réaliser en évitant des déplacements, en ayant une reprise de production plus rapide après un arrêt ou simplement en facilitant la formation des nouveaux employés. Ainsi, avec un brin d’imagination, cette technologie s’intègre très bien en formation professionnelle.
UN NOUVEL AIR EN FORMATION PROFESSIONNELLE
L’arrivée des lunettes HoloLens™ de Microsoft™ permet d’amener dans les classes une technologie qui changera la façon de planifier et d’enseigner et permettra une expérience d’apprentissage immersive.
Tout d’abord, la réalité augmentée est une technologie bien différente de la réalité virtuelle. Il ne faut pas les confondre.
La réalité virtuelle est un environnement virtuel qui englobe entièrement l’utilisateur à partir de contenu réel (photo ou vidéo), de contenu généré par ordinateur ou une combinaison des deux. La réalité virtuelle permet d’immerger l’utilisateur dans une situation où il peut être simplement un spectateur ou interagir avec des éléments projetés. La réalité virtuelle demande habituellement le port d’un casque spécifique.
De son côté, la réalité augmentée consiste à superposer du contenu généré par ordinateur dans la vue de l’apprenant. Que ce soit un appel Teams, des capsules vidéo, des photos, des indications, un document PDF ou un questionnaire, l’utilisateur ne perd jamais complètement sa relation avec son environnement. Un des avantages de cette technologie est que le contenu peut être géolocalisé.
La réalité augmentée est déjà présente dans bien des écoles. Elle est surtout utilisée avec une tablette électronique ou des lunettes spécifiques à cette utilisation.
FAIRE LE SAUT DANS LA RÉALITÉ AUGMENTÉE
Le Centre intégré de formation et d’innovation technologique (CIFIT) de Victoriaville a fait le grand saut vers la réalité augmentée. C’est dans le département de mécanique industrielle et d’électromécanique que les équipes du RÉCIT FP (Formation professionnelle) et du RÉCIT VT (Vocational Training) se sont rendues pour expérimenter cette technologie et discuter avec l’équipe du Centre sur l’intégration de cette technologie.
Selon Jean Proulx, un apprentissage par projet est « un processus systémique d’acquisition et de transfert de connaissance au cours duquel l’apprenant anticipe, planifie et réalise, dans un temps déterminé, seul ou avec ses pairs et sous la supervision d’un enseignant, une activité observable qui résulte, dans un contexte pédagogique, en un produit fini évaluable ».
Proulx, Jean. L’apprentissage par projet. P.32, PUQ, 2004.
Le Centre de formation a une belle réputation en ce qui a trait à l’innovation pédagogique et technologique. François Manningham, enseignant en électromécanique, et son collègue Stéphane Girard expliquent celle-ci par le désir de l’équipe de toujours innover.
Par exemple, pour leur clientèle concomitante, l’équipe offre un projet de fabrication d’un bras robotisé. Les apprenants assimileront les bases du dessin assisté par ordinateur, la calibration d’une imprimante 3D, l’assemblage mécanique, l’électronique se rapportant au projet et la programmation de celui-ci. Au cours de ce projet, les apprenants passent rapidement de la théorie à la pratique afin d’intégrer et de mettre en pratique les nouvelles connaissances. Il s’agit d’un bel exemple d’apprentissage par projet.
Au cours d’une visite, messieurs Manningham et Girard nous ont expliqué ce que, pédagogiquement, les lunettes HoloLens™ de Microsoft apportaient comme valeur ajoutée à l’enseignement. Selon leurs expériences, elles permettent de concevoir des situations d’apprentissage vraiment immersives et un apprentissage autonome ou semi-autonome.
À QUOI PEUT BIEN RESSEMBLER UNE ACTIVITÉ PÉDAGOGIQUE CONÇUE POUR CES LUNETTES?
Tout d’abord, afin de localiser dans l’espace les activités, l’utilisateur doit numériser un code QR, « code à réponse rapide », afin de lancer l’activité. Ensuite, tous les ajouts sont géolocalisés à l’endroit exact voulu par le concepteur de l’activité d’apprentissage. Puis, des questionnaires peuvent être intégrés lors de la séquence de travail. Ainsi, les réponses de ces questionnaires et les photos prises par l’apprenant peuvent être analysées par l’enseignant afin d’offrir de la rétroaction.
De plus, les lunettes étant un produit de Microsoft, elles intègrent parfaitement les outils de la suite Office. Dans le même ordre d’idée, Microsoft a développé plusieurs applications pour les lunettes HoloLens™, ce qui simplifie la conception d’activités d’apprentissage.
D’autre part, les lunettes permettent de projeter une image 3D d’une pièce ou d’un assemblage dans la vision de l’apprenant. D’ailleurs, l’apprenant peut même déplacer les différentes pièces projetées dans son champ de vision pour visualiser l’intérieur d’un assemblage. Ce qui lui permet de se promener à l’extérieur de la projection, de la démonter et de voir l’intérieur de celle-ci.
Bien sûr, l’équipe enseignante se doit de maîtriser un ou des logiciels de conception assistée par ordinateur (CAO), par exemple Solidworks ou Onshape[1]. Par ailleurs, étant connectées à Internet, les lunettes ont accès à toutes les bases de données disponibles. Ainsi, l’étudiant peut aller chercher l’information sur le site d’un manufacturier, commander la pièce, faire le suivi et visualiser le fichier 3D s’il est disponible, et tout ça, pendant la réparation. Le gain d’autonomie de l’apprenant est notable.
Parallèlement, plusieurs étudiants équipés de lunettes HoloLens™ ou de tablettes peuvent intervenir dans le même environnement et voir les mêmes projections, ce qui permet la collaboration, contrairement aux lunettes de réalité virtuelle qui, elles, permettent habituellement, à un apprenant seulement d’expérimenter un environnement.
L’utilisation des lunettes ne se limite pas à l’expérience de l’apprenant. L’enseignant peut exécuter une démonstration avec les lunettes. Par exemple, explorer l’intérieur d’un assemblage mécanique et partager sa vision avec d’autres lunettes HoloLens™ ou projeter ce qui est dans son champ de vision sur des ordinateurs, tablettes, cellulaires ou un projecteur.
PLANIFICATION PÉDAGOGIQUE ET EXPÉRIMENTATION
Au CIFIT, on ne rigole pas avec la planification pédagogique. Mélissa Barthell, la conseillère pédagogique du centre de formation, spécifie qu’avant d’intégrer les lunettes à leur enseignement, les enseignants se doivent de discuter en équipe afin de planifier leurs intentions pédagogiques.
Quel élément de compétence doit être enseigné? Comment comptent-ils l’enseigner? Quelle est la plus-value de l’usage d’une telle technologie? Ainsi, la réflexion et la planification pédagogique sont encouragées au CIFIT. Puisque l’arrivée de cette technologie coïncide avec la mise en œuvre du nouveau programme de formation d’électromécanique, cela permet d’avoir un regard neuf sur l’enseignement des compétences.
De plus, les lunettes permettent d’enregistrer les manipulations faites par l’apprenant et ainsi deviennent un ajout qui permet d’évaluer le processus sans être à côté de l’apprenant pendant toute la durée d’une opération.
Cependant, étant donné la nouveauté de cette technologie, l’équipe avoue être en période d’apprentissage. En fait, elle est parmi les premières équipes-centres au Québec, en formation professionnelle, à utiliser ces lunettes. Elle ne peut donc pas encore s’appuyer sur l’expérience d’autres utilisateurs.
Ainsi, avant d’intégrer toute nouvelle technologie, il est important d’expérimenter avant de l’intégrer dans les classes. On n’a qu’à se rappeler l’arrivée des projecteurs dans les classes. Ce fut une véritable révolution qui nous a demandé un temps d’appropriation… mais nous ne retournerions jamais en arrière.
UNE CARTE DE VISITE POUR LE CENTRE
Du point de vue du directeur adjoint, Alexandre Néron, l’ajout de cette technologie est une excellente carte de visite pour le Centre. Tout d’abord, cela transmet une image positive auprès des employeurs de la région. L’outil démontre la cohérence des orientations du Centre en formant une main-d’œuvre capable de s’adapter aux dernières technologies, et le placement pour les stages s’en trouve facilité.
Par ailleurs, ce genre de technologie attire l’œil des éventuels étudiants et démontre à l’ensemble de la population que le centre de formation n’est pas qu’un lieu d’enseignement, mais un milieu d’innovation. Finalement, M. Néron ajoute qu’un centre qui s’équipe des dernières technologies stimule l’appétit d’innovation chez les enseignants, ce qui est très gratifiant pour ceux-ci. Donc, tout le monde gagne à innover.
Malgré le coût d’achat très élevé, l’apprentissage autonome ou semi-autonome offert par les lunettes HoloLens™ est un bel ajout pour un centre de formation. Ce type d’apprentissage semble renforcer l’autonomie et libère l’enseignant qui, de son côté, peut se concentrer à accompagner d’autres étudiants. De plus, c’est bien connu, les apprenants aiment les nouvelles technologies et par ailleurs, les entreprises ont un regard positif envers les centres de formation qui innovent. En outre, la motivation et l’engagement des enseignants étaient palpables lors de notre visite.
Ainsi, il ne reste qu’à se demander comment financer ce genre de projet! Pour des pistes de réponse, contactez votre conseiller au RÉCIT; il aura peut-être quelques bonnes idées à vous proposer…
Merci au Centre intégré de formation et d’innovation technologique (CIFIT) de Victoriaville!
Merci spécial à :
- Alexandre Néron (directeur adjoint)
- Mélissa Barthell (conseillère pédagogique)
- François Manningham (chef de département pour le programme mécanique industrielle)
- Stéphane Girard (chef de département pour le programme électromécanique)
- Dany Paradis (enseignant qui a piloté le déploiement des HoloLens™ au CIFIT)
Cet article a été écrit par: Éric Thibault
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